Je suis un point suspendu

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Aujourd’hui, c’est Noël et je te fais cadeau d’un tout petit vieux texte qui doit avoir à peu près treize ans. C’est une réflexion d’ordre existentiel où je m’interroge sur ma propre survenue en tant qu’être humain, mon apparition quelque part dans l’univers, entre le tout et le rien, entre le macro-monde et le micro-monde, notions sans fondements qui n’existent qu’à l’aune de mes repères sensoriels.
J’aimerais que tu lises ce texte avec la même profondeur que celle dont il se veut empreint. Que tu le prennes au sérieux, en somme.
Ce faisant, c’est toi qui me fera un beau cadeau de Noël, je n’en demande pas plus 🙂
Donc.

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Je suis le résultat hasardeux surgi à tel niveau de complexité organique, à tel endroit de l’Univers, à tel instant de la course du Temps.
Ces agents créateurs, sans têtes ni raisons, m’imposent les imbroglios d’une conscience contrainte à développer en moi des désirs infinis, paradoxaux et bien souvent venimeux.
Et voilà que, bien au-dessus de cette rencontre de contingences cosmiques, et malgré un amour contraint pour des désirs qui font désordre et qui m’explosent parfois, un Moi de mon moi surgit de ce surgissement et fait l’expérience de l’unité, de l’éternité, de la cohérence et surtout du dépassement.
A chaque seconde.
Quel est donc ce petit bout qui s’étonne, pédale toujours devant son reste et s’interroge sur son apparition ?

Un point suspendu !
Un point suspendu au-dessus de moi-même.
Un point suspendu qui se regarde de haut, sans mépris.
Un point infime qui a pour contenu tout ce qui le tient et le contient.
Un point réfléchi et réciproque.
Un point qui se tient au-dessus de ses pesanteurs et qui tient pourtant d’elles.
Un tout petit point en équilibre au-dessus de l’abîme qu’il nargue jusqu’au jour inévitable où il sera avalé.
Ou peut-être pas, après tout, qui peut dire ? Ce point suspendu est peut-être un truc en suspens qui attend son temps.
Quoi qu’il en soit, un point d’interrogations permanentes.

Je ne te fais pas ici le coup de l’âme platonicienne enfermée dans un corps. Non. Je ne crois pas à la permanence d’une âme préexistante qui n’aspirerait qu’à retrouver son envol. Le point suspendu dont je parle trouve son essence dans la boule de glaise qui s’est formée dans le ventre maternel, réceptacle où nombre d’axes idiots ont présidé à sa fécondation. Le point auquel je suis réduit n’est rien en-dehors de cette boule qui le forge, et son devenir reste hypothétique en-dehors d’elle.

Simplement, JE est présent au monde pour constater tous les jours la présence de ce point suspendu qui rit aux étoiles qui dansent.


« Il faut avoir un chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse. »
Nietzsche, in Ainsi parlait Zarathoustra, prologue, paragraphe 5

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Chorégraphe : Sharon Eyal. AFP Photo

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Poème en forme d’épée de Damoclès


Je danse en équilibre, 
les pieds pris dans un fil,
dans un fil électrique, 
c’est le fil de la vie. 
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J’avance en funambule
qui n’a rien demandé
et n’est doté de rien,
rien d’autre que ses mains portées à bout de bras
pour contrebalancer sa propre gravité.
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Je danse en équilibre,
les bras en balancier, 
je fais un pied de nez 
à mon oeil compassé. 
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Je m’ouvre à tous les vents.

En arrière, en avant, 
sur l’axe de ma vie. 
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Des pieds jusqu’à la tête, 
sur l’axe de mon corps.

De coeur jusqu’à jardin, 
sur l’axe de mes bras. 
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Mon nombril en mon centre, 
je chante à pleines dents :
Heureux fer de feu,
lame de lumière
acérée, griffée,
en fleur.
De rouge éclos,
velours et or
flash éternel
en verve.

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Réflexion écrite en 2008 et modifiée pour le blog :
Au fond, voici ce qui me questionne profondément :
Je suis le résultat aléatoirement produit par tel niveau de complexité organique à tel endroit de l’Univers, à tel instant de la course du Temps.
Voici qu’à la croisée improbable de ces axes idiots se jouent tous les imbroglios d’une conscience qui se trouve ontologiquement contrainte à vivre des désirs paradoxaux et parfois venimeux.
Au-delà de cette rencontre de contingences cosmiques et malgré cet amour contraint pour des désirs qui font désordre, un moi de mon Moi fait l’expérience de l’unité, de l’éternité, de la cohérence et surtout du dépassement.
A chaque seconde.
Quel est donc ce petit bout qui s’émerveille, qui pédale toujours devant et qui refuse que le résultat que je suis n’aie le droit de s’interroger sur son origine ?
Quaerere Deum.

2 réflexions sur « Je suis un point suspendu »

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