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Si notre petite humanité, si jolie si gentille, doit disparaître bientôt à la suite de je ne sais quel grand effondrement, ce serait bien que quelqu’un lui trouve une sépulture.
J’aimerais m’en occuper moi-même parce que je l’aime bien cette humanité, mais, de fait, je ne pourrai pas le faire, n’est-ce pas.
Alors, j’adresse un voeu vers l’inconnu et j’espère que l’intelligence qui aura pris notre place, le rat, le moustique, le tardigrade ou je ne sais quelle espèce extrémophile, saura nous rendre un dernier hommage et rassemblera nos cendres — peut-être radio-actives — dans un mausolée, même humble et discret.
Cette nouvelle intelligence à six ou huit pattes, ailée, ou semblable à un sac d’aspirateur, sera certainement plus sage et avisée que nous et n’aura pas de rancune, j’ose le croire. Pleine de mansuétude et de modération appliquée à son quotidien, aidée par des attributs naturels qui lui éviteront de se battre contre des démons intérieurs, elle voudra rendre hommage à notre espèce animale, totalement envahie par ses propres contradictions.
Elle sera noble, magnanime, compatissante, à notre image en somme, mais en beaucoup plus abouti. Elle portera sur nos oeuvres un regard clément parce que, du haut de sa propre sagesse, elle aura compris qu’elles étaient toutes vouées à l’échec, dès le départ.
Alors, elle nous dressera un mausolée en lui donnant la forme d’une Tour de Babel définitivement construite, pour rappeler que notre humanité aura mené un combat incessant pour bâtir sa propre unité et son émancipation, sous le regard d’une nature malveillante parce que corruptrice et avaricieuse.
Entre autres.
Les piliers de cette Tour seront faits de tous nos combats comme elle aura pu en garder la mémoire. Elle aura appris à déchiffrer nos archives lointaines, j’en suis sûr.
En décor final de cet édifice, elle apposera des croix, des croissants, des triangles, des roues et n’importe quel autre signe religieux, cabalistique ou philosophique en mémoire de tous ces humaiN à présent détruits qui pensaient que leur espèce animale avait une destinée.
Cette nouvelle intelligence aux contours inconnus arrivera certainement, à coups d’études, d’essais, de sommes, de congrès et de discussions interminables, à comprendre les tenants et les aboutissants de ce que l’humanité trainait avec elle et qu’elle appelait transcendance divine.
Elle saura ne pas s’en moquer et verra dans cette manifestation du cerveau humain, un lot de consolation offert par un ordonnancement par ailleurs implacable. Peut-être aura-t-elle besoin, elle aussi, de s’appuyer sur cette consolation.
Qui sait ?
J’adresse un dernier voeu à cette noble espèce qui nous remplacera, si jamais nous n’arrivons pas à mettre à distance, une fois encore, la logique d’un ordre des choses qui ne fait rien pour nous venir en aide et qui nous menace de ses grands yeux injectés de CO2. Un voeu épigraphique, un voeu de mots martelés dans la roche, un voeu durable et responsable. J’aimerais qu’elle inscrive l’épitaphe suivante, pleine d’humilité, au coeur même de l’édifice qu’elle aura bâti en notre honneur :
« Du haut de sa petite taille, cette humanité perdue aura tout fait pour essayer. »
Ni plus, ni moins.
Photomontage Tour de Babel : Oeuvre de Maïlo (utilisation acceptée par l’auteur).
[…] commence à peine à sonder cet axe fort, mais j’en donne les premiers contours dans Les voeux d’un humaniste définitif.Je crois que, parallèlement à un humanisme qui place l’Homme au premier plan d’un […]
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