Je vais te raconter une toute petite anecdote qui m’est arrivée hier, une chose qui pourrait être drôle si elle n’était pas dramatiquement absurde !
Absurdement dramatique ?

En tout début d’après-midi, vers 14h30, en me rendant à l’association où je travaille, je tombe rue de Metz1 sur un type allongé au sol, sur le dos, inanimé, dépenaillé, manifestement ivre mort, une canette à côté de lui.
Le genre de scène qui ne fait plus réagir personne aujourd’hui, tout le monde croisant ce type sans un regard. Tout de même, je m’arrête un instant, mais ne sachant que faire, je reprends mon chemin et je compose le 15.
Je me rends compte que je n’ai pas les mots pour décrire la situation et c’est l’opérateur qui me parle « d’ivresse sur la voie publique ».
— Ah oui, c’est ça, je dis, tout content d’avoir des mots que je lui répète.
Pas de bol, ça ne le concerne pas, il me répond :
— Composez le 17, c’est du ressort de la Police.
J’appelle le 17 qui m’apprend un fait nouveau :
— Comme c’est au centre ville, on peut pas s’en occuper, c’est à la Police Municipale de s’en charger, et il transfère mon appel.
En attendant que l’opérateur décroche, je me dis que je vis dans un pays merveilleux, super bien organisé !
— Bonjour, me dit-on (…) vous dites que ce marginal est inconscient. Je suis désolé, ce n’est pas de notre ressort, je vous transfère aux Pompiers.
Euh… là, les abeilles commencent à tourner autour de moi, mais j’en suis certain, les Pompiers chéris vont voler au secours de ce pauvre type.
Entre-temps, je suis arrivé à l’association, à peu près à 500 mètres du pauvre clochard qui cuve son vin.
— Vous checkez l’individu. S’il … ( inaudible, l’opératrice est dans un véhicule), vous contactez les urgences, s’il…( ?), vous contactez la police. Je réponds que ça m’est difficile de checker un homme qui se trouve 500 mètres de moi, mais, sans prendre trop de risque, je lui dis qu’il est manifestement ivre mort. Et hop, je suis transféré au 15, la boucle est bouclée !
Il est 14h50, je raccroche en me disant qu’au bout d’un moment, il faut arrêter de se foutre de la gueule des gens qui ne veulent que faire leur devoir de citoyen !!
Conclusion : Tous les « process » ont été magnifiquement respectés par chacun des acteurs et, grâce à ce scrupuleux respect, aucune action n’a été enclenchée. Le bonhomme doit toujours croupir au coin de la rue de Metz et de la rue Peyrolière.
Quelque part, je ne peux pas m’empêcher de m’inclure dans cet ensemble de process qui inhibent l’action.
A propos de process qui inhibent l’action, il faut écouter l’intervention de Julia de Funès sur « absurdités en entreprise ».
1 Je sais pas s’il y a une rue de Toulouse à Metz, mais à Toulouse, nous avons une rue de Metz. Pourquoi, je n’en sais rien. C’est une artère importante qui coupe le centre d’Est en Ouest, sur l’ancien decumanus.