Songe d’une nuit d’été

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Elle ? 
C’est l’été dans sa peau, la mer au soleil, une voix qui rayonne, (…).
C’est une belle rencontre d’été.

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                                                                    Nous sommes des chiens de bonne volonté.
          Et nous ne sommes pas contre le fait qu’on laisse venir à nous certaines chiennes
                                                                  Puisqu’elles sont faites pour ça et pour nous.
                                                                                                (Léo Ferré in « Le chien »)

          1.

Dans ma chambre, il fait moite, mais pas trop. 
Mélange d’un peu d’humidité et d’air chaud.
(Warm disent les anglais.) 
A la fenêtre, un rideau léger vit paresseusement au gré d’un souffle d’été. 
Nuit très entamée, lumières sur la ville, ronronnement des voitures en fond. 
Calme dehors, dedans, au plus profond.

          2.

Dans mon lit, je suis allongé dans mes draps de cotons, je m’occupe d’elle, elle s’occupe de moi. 
Ensemble, nous explorons les dernières forêts vierges de mon lit. 
Elle ?
C’est… 
Non. 
Si vous voulez bien, je vais garder son nom pour moi et en plus, je ne vous dirai pas comment je l’ai rencontrée, c’est pas intéressant. 
Si. 
Je vais vous dire.
Elle ? 
C’est l’été dans sa peau, la mer au soleil, une voix qui rayonne, l’anche biseautée, une douceur flûtée.
C’est une belle rencontre d’été.

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          3.

Elle attrape mon oreille où elle fourre sa langue longuement. Ca me chatouille que c’en est un insupportable délice. 
Puisqu’on m’a appris à tendre l’autre joue, je lui offre l’autre oreille. Elle y glisse une proposition tendre, indécente. 
J’ai envie de t’avaler jusqu’à la racine. 
Comme elle enserre de sa main le seul endroit de mon corps qui reste vaillamment dressé à cette heure avancée, ça me chatouille que c’en est une irritante promesse. 
(Vous me comprenez, messieurs.)
Elle rougit quand même un petit peu, du moins je veux croire qu’elle rougit parce que la pénombre m’interdit de voir de telles nuances. 
Mettons qu’elle rougit. 
Je trouve que tu as une belle queue. 
« Allons, Chipounette… » je dis. Parce que je sais pas quoi dire d’autre et parce qu’elle ne s’appelle pas Chipounette. 
C’est bien la première fois qu’on me dit ça au sujet de ma queue, mais j’ai toujours été d’accord avec moi-même là-dessus (et je suis pas souvent d’accord avec moi-même). 
Oui, Popol est joli. 
Et puis, elle est pas énorme. 
« !!!! », je dis. Enfin, un truc autour de ça mais en beaucoup plus rapide et embrouillé. 
(Vous voyez ce que je veux dire, messieurs.)
Elle s’excuse quand même un petit peu, du moins je veux croire qu’elle s’excuse quand elle ajoute, avec un petit air enfantin : 
On dirait un gros Koukoulina, tout en redescendant avec sa langue qu’elle arrête dans mon nombril. 
Là, ça me fait trop rien mais ses cheveux, si. 
A leur tour, ils me chatouillent en pluie que c’en est une mousson revigorante pour Koukoulina. 
Il se redresse de toute sa fierté de Français moyen et tente de gagner quelques millimètres plus haut. Il pointe en direction de cette bouche en approche. 
Il dit : Viens voir le pêne sur son beau dormant
(Koukoulina pratique la métaphore serrurière.)

          4. 

« Clic-clac » pensè-je dès qu’elle m’enveloppe à sa manière de confiserie. 
Ma tête tombe en arrière, bouche ouverte, et ne dit plus rien parce qu’il n’y a plus rien à dire, mais elle n’en pense pas moins dans un registre reptilien. 
Le crocodile qui est en moi commence à déverser en interlignes ses sottises, pile entre les tranches de mon savoir-vivre anglo-nippon. 
(Lisez plutôt, messieurs.)
Celle-dont-tu-veux-taire-le-nom n’est-elle pas cette informatrice que journalistes et services secrets appellent « gorge profonde » ? 
Elle est peut-être en mesure de te livrer les secrets que tu recherches depuis si longtemps dans tes XXX-files ! 
Laisse-la remonter jusqu’à la source de ta racine.

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          4 bis. 

Elle arrive à la racine de mon essence sans rencontrer trop de résistances. 
Tout a disparu, englouti jusqu’au Saint des saints.
On ne vous a pas appris, mademoiselle, qu’il ne faut pas tout gober dans la vie ? 
Étonnamment et contrairement à moi, Koukoulina ne fond pas. On dirait même que cette nouvelle enveloppe qui va et qui vient, le stimule, à moins que ce ne soit la vision offerte à mes yeux.
(Jugez plutôt, messieurs.) 
La-belle-au-bois-sur-le-dormant se trouve entre mes jambes écartées, parfaitement disposée de part et d’autre d’une verticale dont ma queue est le point d’origine caché.
Dans le prolongement de ce point, se trouve le sillon creusé par sa colonne vertébrale qui remonte jusqu’à ses fesses haut perchées, là-bas au loin. Mes yeux mesurent la distance, mes bras ne seront pas assez long pour les attraper.
Seule sa tête déroge à cette géométrie fixe et s’active au rythme d’impulsions faussement désordonnées qui obéissent à une autre logique : les fractales de mon plaisir.

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          5. 

Je fourre mes mains dans sa chevelure et j’agrippe tout ce que je peux de son crâne.
Mes doigts se changent en forceps qui s’impriment fermement tout autour de sa tête. Ils ne la lâcheront plus et mes yeux voient mon pieu avalé par sa bouche, réapparaître et disparaître graduellement dans les frissons du plaisir qu’il me procure. 
Tu es un crocodile de bonne volonté ! Qu’on laisse venir à toi les crocodilesses puisqu’elles sont faites pour ça ! 
Mes yeux me rapportent tout ce boucan de va et vient que mes mains impriment de plus en plus violemment. 
Nihil obstat semble dire celle qui m’a invité dans son ouvrage érotique. 
Ca m’arrange. 
Je me cabre et me recroqueville que c’en est indécent. 
Laisse faire le crocodile qui est en toi et laisse-toi dévorer, ducon. 
Enfermé dans le rythme donné par mes deux mains, le temps ne passe plus pendant combien de temps ? Je ne sais pas car il n’y a plus de temps.

          6. 

Celle-dont-je-ne-vous-ai-rien-dit-sur-ses-ongles les a ramassés ce matin sur le sable. 
Au milieu des coquillages. 
Tous les dix sont polis, discrets, sobres et très légèrement nacrés. 
Je me souviens les avoir longuement sucés pour le plaisir de porter à la bouche quelque chose de beau et d’inconnu, comme le font les bébés. 
(Mais pourquoi donc vous parlè-je de ses ongles ? Ah oui.)
Alors que ma partenaire me régale avec tout ce qui est en mon pouvoir, je sens qu’elle caresse l’extrême base de mon essence noble à l’aide d’un de ses ongles. 
C’est doux, c’est délicat, ça farte. 
Elle ajoute un agréable point de plaisir annexe dont je m’occupe peu, toujours affairé à donner à sa tête des ordres qu’on ne discute pas, et je chemine pépère vers mon climax.

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          6 bis. 

D’ailleurs, celui-ci ne tarde pas à pointer le bout de son nez. 
D’ailleurs, je sens bien que je ne suis pas loin de son jaillissement lorsque la pression tenace qui finira par tout balayer, augmente et devient intenable. 
D’ailleurs, il faut bien qu’explose Koukoulina sinon je sens bien que les yeux vont me sortir de la tête. C’est insupportable. C’est lui ou c’est moi. 
D’ailleurs, je sens bien qu’il faut qu’arrive mon point d’orgue sinon je vais finir par arracher la tête de celle-qui-ne-mérite-pas-ça.
Vas-y, pilonne-la et tant pis pour sa tête. 
Tais-toi, tu ne connais ni ses cheveux ni son âme.

          7.

Lorsque j’ai bruyamment lâché les chiens entre deux prises de tête, ou plutôt, soyons honnête, lorsqu’ils se sont détachés d’eux-même, ce fut un indescriptible tohu-bohu en moi. Je ne maîtrisais plus rien dans tout ce fouillis-fouilla de plaisir anarchique qui piquetait ma nuque, me tétanisait, m’éparpillait et me paralysait en même temps. 
C’est quoi ces flashs dans mes yeux qui crépitent ? 
C’est quoi cette rétraction du temps et de l’espace à l’origine du big bang ?
C’est quoi ce plein soleil, ces plein-phares dans ma gueule qui m’éblouissent ? 
C’est quoi ces coups de fouet lumineux aux lanières électriques ? 
C’est quoi cette massive attaque qui se fout de mes digues et m’envahit tout partout ? 
C’est quoi ces coups de marteaux à la tête de verre qui explose ? 
C’est quoi cette statue qui me recouvre et qui veut que plus rien ne bouge jusqu’à la fin des temps ?
C’est quoi tous ces picoti-picota, lèvent la queue et puis s’en vont ? 
Quelle heure est-il Madame Persil ? 
L’éternité moins le quart.
Je suis perdu.

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          7 bis. 

Quand est survenu tout ce bordel que je découvrais comme s’il s’agissait de la première fois, je me souviens que je regardais la lune flirter avec le rideau de la fenêtre. De temps en temps, il découvrait un carré de ciel qui me permettait de profiter de sa splendide couleur rousse. A d’autres moments, il recouvrait la lune de sa fine couleur rouge, l’enrobant de mystère. 
Et devant elle, j’ai poussé mes derniers hoquets, surpris par un plaisir à l’intensité nouvelle. 
Je voudrais bien croire que je n’ai pas hurlé parce que j’aimerais croire que j’ai gardé une certaine décence, mais je sais bien que j’ai beuglé d’une manière sortie sans autorisation du fond de ma gorge. 
(Comprenez-moi, messieurs.)
L’ongle qui surfait à la surface de ma peau venait ajouter une vague profonde, totale, sismique, interminable, qui recouvrait mon corps tout entier et décuplait l’explosion éprouvée à l’étage 7. Cette vague remontait en lames brutes qui doublaient le plaisir alchimique de fondre en or Koukoulina.
Cet ongle ramassé parmi les coquillages a provoqué en moi un tsunami sensuel qui que quoi dont où…

          8. 

En Grec, souffle se dit pneuma. 
Alors, si vous le voulez bien, je l’appellerai Pneuma. 
Pneuma remonte à mes côtés, ferme et aérienne, et s’enroule à moi. 
Je profite encore un temps de ses alisées dans ma chambre et de l’été dans sa peau, je la couvre de baisers. 
Du bout de la langue, je fraise la paume de sa main, là, au centre de ses doigts. 
Je glisse une jambe entre les siennes, Pneuma ondule. 
Je tanne sa peau avec mes caresses à moi et, maintenant que je peux le faire, j’attrape ses fesses parce que j’ai besoin de mon doudou.
Pneuma est une berceuse sans paroles, alors je m’endors, gavé.

          9. 

Plus rien ne bronche dans ma chambre, hormis le rideau rouge qui ne se lasse pas de sa danse avec la lune.

.

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Je suis très sensible à l’art du GIF.

Hélas, je ne peux vous donner aucune source pour chacun de ces GIF parce que ce sont des choses qui circulent sur la toile à la vitesse de l’éclair et sans traçabilité.

J’ai écrit ce texte l’an dernier en poursuivant jusqu’au bout la logique d’un gros fantasme. Je l’ajoute à la liste des HACDLM pour le plaisir d’y insérer des GIF. Sa mise en page a été un vrai casse-tête pour moi — parce que je peux vous dire que je pousse l’éditeur de texte de Tumblr vers ses limites —, et voilà comment je me sens à la fin de cette mise en page :

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