Billet du mardi soir, mais à situation exceptionnelle, billet exceptionnel !
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Les évènements de ce lundi 21 février nous rappellent violemment que s’il faut être deux pour faire l’amour, il suffit d’un pour faire la guerre !
Aujourd’hui, on a compris que Vladimir Poutine a toujours eu l’intention de faire la guerre à l’Ukraine et qu’il n’a pas dévié d’un iota depuis l’annexion de la Crimée, au moins. Comme je ne suis pas dans la tête de cet homme de guerre ; de ce fin stratège formaté au KGB et obsédé par la grandeur de la Russie ; de cet historien de circonstance qui, ce lundi soir, nous a raconté une Histoire mondiale version empire russe, je ne sais pas pourquoi il a attendu si longtemps après l’invasion de la Crimée pour finir une guerre commencée en 2014.
Car ce qui s’est passé hier soir n’est ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre en bonne et due forme, l’agression d’un pays souverain reconnu dans ses frontières par la communauté internationale.
Je peux tout de même émettre quelques suppositions sur ce laps de temps qui sépare les évènements de 2014 de ceux d’aujourd’hui :
– Tout annexer d’un coup en 2014, le Donbass en même temps que la Crimée, n’était tout simplement pas encore possible militairement. Se contenter d’annexer la Crimée, une presque île, puis jurer ses grands dieux qu’on n’ira pas plus loin dans le grignotage du territoire ukrainien, puis mettre en place des accords de Minsk inacceptables en l’état pour l’Ukraine, tout cela a suffi à nous satisfaire et endormir notre vigilance. Dans le Donbass, Poutine a utilisé des séparatistes acquis à sa cause pour agir à sa place. En sept ans, ils ont préparé le terrain en usant de leur faculté de nuisance.
– De 2015 à 2017/18, la Russie s’est engagée dans un conflit syrien qui a pas mal occupé ses forces. Cet engagement lui a certainement permis, entre autres projets d’hégémonie, d’aguerrir ses troupes à moindre coût, il ne faut jamais oublier la dimension cynique de la guerre.
Au sujet de la Syrie, je rappelle que le soutien de Poutine au régime de Bachar el Hassad n’a été possible que par la décision frileuse d’Obama de ne pas intervenir en Syrie. C’était déjà un blanc seing, la création d’un vide que cet homme de guerre s’est empressé de remplir.
De son côté, Biden a confirmé qu’il n’interviendrait pas en Ukraine, « eh bien allons-y, ne nous gênons pas ! » a dû se dire Poutine !
– Vladimir Poutine a attendu que l’Ukraine ne soit plus un enjeu stratégique pour l’Allemagne en faisant en sorte que le gaz russe lui parvienne par un autre canal que celui du gazoduc ukrainien. Il s’agit ici du fameux gazoduc Nord stream 2 qui prend un autre chemin. Aujourd’hui, l’ouverture de ce gazoduc permettra de servir de chantage car l’Allemagne est totalement accro au gaz russe, merci Merkel, merci la sortie du nucléaire1.
– Peut-être que la crise du Covid a ralenti le processus de guerre contre l’Ukraine en créant une zone temporelle incertaine dont personne ne pouvait prévoir le déroulement, Vladimir Vladimirovitch inclus.
Quoi qu’il en soit, Poutine a fait une démonstration de fin stratège, maitre des horloges. Il s’est même permis de faire une fleur à la Chine en attendant le lendemain de la clôture des JO de Pékin pour déclarer la guerre à l’Ukraine. Ainsi, en respectant le soft power mis place par ce pays, il ménage Xi Jinping dont il se rapproche.
Bien vu dans le registre « Paris vaut bien une messe » !
Donc, le 21 février 2022, la conjonction astrale était favorable, Mars à l’opposé de Vénus, et Vladimir Vladimirovitch Poutine a pu faire tomber le masque et montrer au monde ce qu’il a toujours eu l’intention de faire.
Je ne m’intéresserai pas au ballet diplomatique qui a vu Macron servir de leurre parce que c’est un grand classique dans ce genre de situation. Un homme belliqueux comme Poutine trouvera toujours face à lui des hommes de bonne volonté (?) pour faire office d’idiots utiles, de dindons de la farce si tu préfères. Ce fut le cas de Chamberlain face à Hitler, c’est aujourd’hui le cas de Macron face à Poutine. A sa décharge, je dois reconnaitre qu’il ne peut pas faire autrement puisque l’Europe a décidé d’être un nain militaire, le géant débonnaire dont parle je ne sais plus quel analyste politique.
Moi, je suis plus sévère et je qualifie l’Europe de gros patapouf qui n’a pas compris que depuis trente ans, le monde a changé et qu’il est devenu bien plus instable et par conséquent, erratique. Tous ceL parmi toi qui me connaissent depuis longtemps, savent que j’appelle de tous mes voeux à une Europe-puissance, puissance militaire, je ne suis pas du tout un pacifiste. Ils savent aussi que je pense que c’est impossible à cause de l’amas de graisse confite qu’est l’Allemagne, pays pantouflard obsédé par ses échanges commerciaux sous parapluie américain. Elle donne le diapason de la mollesse à son environnement puisque c’est la puissance régionale. Je suis beaucoup moins sévère avec la France qui a toujours su garder un réalisme certain.
Le problème, c’est que la France n’a pas les moyens de son réalisme.
La suite ?
Rien n’exclut que la Russie envahisse toute l’Ukraine et ne se contente pas du Donbass. Je pense qu’on doit craindre le pire de la part d’un tsar qui affirme que l’Ukraine est un pays fantoche, corrompu, le résultat d’une partition de la Sainte Russie, créée par Lénine, une colonie des Etats-Unis.
Une véritable aberration à ses yeux.
Non, c’est pas bon tout ça, et j’espère me tromper !
Les conséquences pour l’Europe ?
On va bien voir, n’est-ce pas, où se trouve la volonté de répondre de manière unanime.
On va bien voir si la réponse consiste encore et toujours à s’abriter sous le parapluie américain, sans arriver à trouver sa propre voix (=vox) et prendre en compte la crainte légitime des pays baltes.
On va bien voir si notre continent est enfin capable de prendre son destin en mains, rester parmi les grands, condition de son indépendance, ou bien s’il s’apprête à filer direct en deuxième division et devenir un musée à ciel ouvert visité par les nouveaux puissants du monde.
Une nouvelle Grèce en somme.
Décidément, ce début de siècle est passionnant.
Restons joyeux mais lucides.
1 En même temps que j’écris, j’apprends que le chancelier Scholz « suspend l’autorisation » du gazoduc Nord Stream2, c’est très bien. Cependant, je laisse ce que j’écris car, virée par la porte, la problématique de la dépendance énergétique de l’Allemagne peut bien revenir par la fenêtre et empoisonner les rapports intra-européens.