
Y a pas un truc qui te choque dans cette reconstitution de Une du magazine Causette ?
Comme un petit air de bricolage écrit qui tient d’une construction intellectuelle parfaitement baroque ?
Un machin bizarre et inattendu qui se situe quelque part entre le mot et le rot ?
Une suite de deux lettres écrites, parfaitement intraduisibles à l’oral ?
Je crois que t’as compris de quoi je parle.
Je pointe ici le résultat, en situation et en grosses lettres, de l’écriture inclusive, cette forme d’écartèlement infligé à la langue française.
Cette écriture choque un lecteur comme moi qui se demande au nom de quoi il devrait supporter ce ·ES, appendice artificiel d’une idéologie qui veut m’imposer ses normes écrites.
« Non, mais j’ai fait quoi pour mériter ça et n’avoir le droit que de me taire ?!
Je dois payer pour qui ?
Pour mes ancêtres patriarcaux, tous très, très vilains ?
Au nom du « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère » ? »
» Le loup : Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
L’agneau : Je n’en ai point.
Le loup : C’est donc quelqu’un des tiens:
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens. »
Or, de frères, je n’en ai point, moi non plus. Je veux répondre de mes seuls actes comme c’est rappelé dans la fable, faire en sorte que mes yeux ne soient pas traumatisés et que ma lecture soit la plus fluide possible quand je lis, ce qui est la fonction de l’écrit !
Et encore, dans ce cas-là, l’écriture inclusive passe pas trop mal, le magazine Causette a de la chance, le mot repenti supporte assez bien l’exercice de l’appendice féminin.
Cependant, comme j’ai mauvais esprit, j’ai essayé d’appliquer la même logique avec le mot acteur, un peu moins docile, et voici ce que ça donne dans une configuration de Une de magazine :

Il y a là un travail de lecture superfétatoire qui n’apporte rien et qui décourage le lecteuR1. Il se demande bien qui, du mot ou de l’appendice, est premier.
Découragement maximum quand il doit jouer à saute-moutons, ou plutôt, à saute-points médians comme dans l’exemple ci-dessous :

Tu arrives à lire facilement le sujet du débat dont il est question lors de cette conférence ?
Comme je suis en veine d’imagination aujourd’hui et que j’ai découvert y a pas longtemps l’outil Canva, je me suis livré à un autre exercice pour te montrer les limites de cette écriture :

Face à la fronde des juge·sse·s, les ministre·sse·s se réunissent en urgence !
Je résume.
– Cette écriture ne se traduit pas à l’oral, ce qui est tout de même son problème majeur.
– Cette écriture peut devenir d’une complication casuistique, au sens péjoratif du terme.
En regard, je propose d’accepter que le français soit une langue qui ne se prête pas à la gymnastique de l’écriture inclusive. C’est une vieille dame — et j’espère que je peux dire ça, sans qu’on m’accuse d’utiliser une image sexiste— percluse de rhumatismes, qui s’accommode mal des prétentions d’une jeunesse rebelle !
Ok, me diras-tu, mais que fais-tu de la demande d’une écriture qui veut rendre les femmes visibles, ce qui doit s’entendre comme un plein droit ?
Et tu as raison.
Il ne s’agit pas pour moi de nier ce qui est de l’exercice d’un plein droit qui touche la moitié de la population française.
Cependant, comme je le pense de plus en plus, l’écriture inclusive est une mauvaise réponse donnée à une vraie question mal posée, parce qu’elle a été conceptualisée dans un cadre militant pour faire payer les hommes ou l’Histoire, ce qui revient au même pour certaiN2.
Et je vais te proposer des morceaux de réponses moins militantes, que je crois plus respectueuses des différents points de vue. J’ai laissé quelques indices ici.
Ce sera le sujet de mon prochain billet.
Mise à jour du 23 octobre : la suite est dans le billet Keep calme and use le neutre.
1, 2 : neutre inclusif invariable