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… ressemble furieusement au monde d’avant !

Tu vois, d’octobre à février, on a crée un couloir de consommation où les éléments se chevauchent et s’entrechoquent. La soupe à la citrouille ouvre le bal, suivie du Black Friday qui s’allonge et vient piétiner Noël et son foie gras, lui-même immédiatement suivi par la galette qui va désigner le roi des consommateurs.
Le tout sans interruption.
Le 26 novembre, on te propose déjà la galette alors que tu n’as pas fini de digérer la soupe aux potirons.
Tu me diras que je ne t’apprends rien et je te répondrai que je ne t’apprends rien puisqu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil depuis la nuit des temps (Ha ! Ha ! Ha ! « rien de nouveau sous le soleil depuis la nuit des temps », je l’aime bien celle-là, je me la garde !).
Je me contente simplement de dire joliment rien de neuf.
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Ce qui me contrarie dans ce qu’il faut bien appeler aujourd’hui une routine, c’est qu’elle ne transmet plus toute la dimension exceptionnelle qui caractérisait la fête à l’époque où le gras, l’alcool et le sucre étaient rares, et où la disette, elle, était courante. Elle a perdu tout le merveilleux qu’elle portait encore lorsque chaque fête carillonnée était à sa place, dans une succession portée par une forte symbolique, le tout avec des temps creux qui te renvoyaient vers l’ordinaire.
De nos jours, ces fêtes carillonnées ne sont plus que les déclencheurs d’une hystérie consumériste ; elles me font penser à des grotesques, ces masques de théâtre qui singent la réalité au moment où la réalité est ailleurs.
Sombre dans le mauvais goût ! Tu as le droit, c’est Haloween !
Consomme ! Tu as le droit, c’est Black Friday !
Baffre ! Tu as le droit, c’est Noël !
Fous-toi la tête à l’envers ! Tu as le droit, c’est le Nouvel An !
Tu reprendras bien un peu de galette pour faire passer le tout ?
Ce qui me chagrine dans cette routine, c’est que cette hystérie, entretenue par des margoulins, donne raison aux pessimistes de tout bord qui pensent que notre avenir, c’est la fin et s’en vantent à chaque occasion.
Elle est nourrie par des filous, aux manettes de leurs commerces lucratifs qui jouent sur notre servitude volontaire, sur notre bonheur à évoluer dans notre belle cage dorée, notre plaisir à nous shooter à coups d’addictions infinies.
Des salopards qui te gavent en sciant la branche sur laquelle tu es assiS.
Quelle branche ?
La Terre.

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Ce qui me déplait plus encore dans ces excès hivernaux, c’est que je suis un adepte convaincu de la consommation. Pour moi, elle n’est pas l’expression malvenue d’un désir humain insatiable, mais un marqueur nécessaire du confort, valeur (oui, oui) qu’on méprise injustement.
Valeur qu’on oublie dès qu’elle a atteint l’objectif que nous lui avons assigné : nous éloigner de la précarité ; nous servir d’oreiller pour soulager nos peines.
Confort qui ne fait pas le bonheur, mais qui y contribue grandement.
Un jour, j’aimerais bien écrire une ode au confort, lui rendre hommage, lui rendre grâce.
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Je m’interroge chaque fois que je me vois disserter sur le monde comme il va mal, à la fin d’un bon repas, quand j’ai la peau du ventre bien tendue et que je suis confortablement avachi sur mon canapé.
A quoi donc joue mon cerveau qui ne sait plus ce qu’il doit faire lorsque mes besoins primaires sont assouvis ?
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